Bientôt une mission spatiale à hauts risques

Le 22 décembre prochain tous les regards des astronomes seront tournés vers Kourou, la base de lancement spatial située en Guyane française.

C’est en effet ce jour-là, qu’une fusée Ariane V emportera dans l’espace l’objet scientifique le plus précieux et le plus remarquable jamais créé à ce jour par l’ingénierie  humaine, le JWST  (James-Webb Space Telescop) du nom d’un ancien directeur de la NASA.

Et il voudrait mieux que ce lancement ne soit pas un échec, car le JWST est l’aboutissement d’un projet commencé il y a 30 ans, dont le développement a pris 12 ans de retard, et dont l’odyssée est désormais chargée de tous les superlatifs.

Il est le plus grand – 12 m de hauteur, il est le plus cher – 10 milliards de dollars, il est le plus puissant et le plus complexe et n’a qu’une seule mission : révolutionner tous les domaines de l’astronomie.

Son lancement réussi,  après un mois de voyage, le télescope devrait atteindre le point de Lagrange L2 à 1,5 millions de km de la Terre, une région de l’espace lui permettant d’obtenir une orbite parfaitement équilibrée grâce à l’attractivité gravitationnelle du Soleil et de notre planète et d’être à l’ombre de la Terre.  Pour cela il faudra procéder aux manœuvres de positionnement à l’aide de mini propulseurs en économisant le plus possible le peu de carburant emporté, car il faudra également en conserver le maximum pour les réajustements de position nécessaires tout au long de la durée de la mission. Une fois cela fait, suivra l’un des moments les plus délicats de celle-ci, à savoir  le déploiement du  miroir composé de 18 panneaux amovibles de béryllium recouvert d’or pour mieux réfléchir les infrarouges. Car, il faut le préciser, l’engin est destiné à observer l’Univers uniquement dans le spectre des infrarouges et, sans une protection destinée à le refroidir, les observations seraient complètement brouillées.

Pour cela, le satellite est également  protégé par un bouclier thermique, sorte de grande voile repliée sur elle-même, composée de fines couches de polymère métallisé, de la taille d’un terrain de tennis et qui lui permet de réduire sa température de 85 °C sur sa face ensoleillée à -235°C. Ce système passif, économisant l’énergie,  laisse espérer aux spécialistes la perspective de doubler la durée de vie du satellite de 5 à 10 ans, voire plus si aucun incident ne vient perturber la mission. En effet, à cette distance il ne sera pas possible d’intervenir sur le télescope comme cela avait été le cas avec Hubble, ce dernier orbitant à seulement 400 km de notre planète.

Une fois  positionné et déployé viendra la phase de calibrage. Il faut s’assurer que les miroirs sont bien alignés, que la mise au point est parfaite, que les détecteurs fonctionnent malgré les vibrations dues au décollage.

Enfin, les premières  observations pourront avoir lieu. Au programme, l’observation de l’assemblage des premières galaxies apparues quelques centaines de millions d’années après le big bang. Elles s’éloignent tellement vite de nous que la lumière qu’elles émettent se décale vers le rouge donc vers l’infrarouge moyen, une longueur d’onde pour laquelle est spécialement fait le JWST.

Lorsque le projet a débuté, nous n’avions pas connaissance de l’existence de planètes hors de notre système solaire. En effet, c’est en octobre 1995, que les suisses Michel Mayor et Didier Queloz annonçaient avoir découvert la première exoplanète en orbite autour d’une étoile similaire au Soleil.

Composition chimique, température et pression atmosphérique, pour la première fois il sera possible à distance d’observer d’autres atmosphères que celle de la Terre. Assister à la naissance des planètes, remonter à l’époque où l’Univers était transparent, 380000 ans environ après le big bang, qui est né il y a 13,7 milliards d’années, comprendre pourquoi un milliard d’années plus tard, les images fournies par le télescope Hubble nous montre une vision bien différente. Les premières étoiles sont nées, mais le milieu intergalactique est essentiellement composé d’hydrogène ionisé. Quelque part entre 300 millions d’années et 800 millions d’années après le big bang l’Univers est passé d’un état neutre à un état ionisé ? C’est cette réionisation que chercheront à comprendre les scientifiques à l’aide du JWST.

Enfin, il s’agira de révéler l’origine des trous noirs supermassifs, ces astres qui rassemblent plusieurs millions de fois la masse de notre Soleil dans un volume restreint. Les astrophysiciens s’écharpent depuis de nombreuses années sur la genèse de ces colosses. Le James Webb pourrait enfin apporter des réponses à toutes les questions qu’ils se posent.

Ainsi, le James Webb Space Telescop, dont le lancement a été reporté près de quinze fois, est désormais très attendu par la communauté scientifique. Si sa mission réussi et les ingénieurs ont tout fait pour cela, ce véritable bijou de technologie bouleversera nos connaissances de l’Univers, inscrivant une nouvelle page de l’histoire de la recherche en matière d’astrophysique.

Denys Jaquet
Décembre 2021