Jeunesse

La santé des jeunes à l’image de notre société

Passage obligé entre l’enfance et l’âge adulte, l’adolescence est un envol vers de nouveaux horizons: formation de l’image de soi, choix d’une orientation professionnelle, découverte de la sexualité, etc. C’est aussi le temps du renoncement à l’enfance et d’un détachement des parents. Au cours de cette étape décisive, les adolescents adoptent des comportements qui influenceront leur avenir et leur santé (pratique sportive, consommation de drogues, etc.).

HBSC et SMASH, deux recherches nationales réalisées en 2002, financées par l’Office fédéral de la santé publique et les cantons, offrent une évaluation étendue de l’état de santé et des besoins des adolescents de 11 à 20 ans.

Voici résumé ce qui ressort de ces deux études et dont nous devons prendre conscience dans la conduite de notre politique régionale notamment en matière de prévention.

Il s’agit ici de pas mal de données chiffrées, mais très révélatrice cependant.

Santé

  • La majorité des adolescents se sentent en bonne santé, mais…même si la majorité s’estime en bonne santé, divers maux sont assez fréquents (tête, dos, sommeil, etc.). De plus, tous les jeunes ne sont pas égaux devant la santé: le sexe et la filière professionnelle jouent un rôle, tout comme les parents et l’éducation.
  • Une large minorité rencontre des difficultés psychosociales A l’adolescence la situation peut évoluer rapidement et la plupart des problèmes se résoudre spontanément.

Cependant, entre 10 et 20% des jeunes cumulent les difficultés: ce sont par exemple souvent les mêmes jeunes qui consomment des substances psychoactives et qui sont plus déprimés. La plupart des jeunes consultent un professionnel de la santé au moins une fois par an (médecin, psychologue, etc.).Cependant, les questions psychosociales semblent encore peu abordées.

  • Péjoration des troubles du comportement alimentaire et des dépendances.

L’usage de drogues et les troubles de la conduite alimentaire ont augmenté au cours des

dix dernières années, et il semble aussi que la consommation de drogues débute plus tôt.

  • Les habitudes saines diminuent avec l’âge.

En grandissant, les jeunes ont tendance à abandonner certains comportements favorables à la santé comme une alimentation équilibrée, une activité physique régulière ou encore l’utilisation du préservatif.

Sommeil

  • Le sommeil et ses troubles occupent une place considérable à l’adolescence: chez les 11-16 ans, 32% des filles et 24% des garçons se sentent fatigués plusieurs fois par semaine voire tous les jours et chez les 16-20 ans, 54% des filles et 45% des garçons ont l’impression d’être tout le temps fatigués.

Alors qu’en théorie les besoins en heures de sommeil croissent à l’adolescence, dans la pratique, la majorité ne dort pas assez. Ce manque de sommeil peut être provoqué par un changement physiologique du rythme nycthéméral à l’adolescence ou par un excès d’activités nocturnes. Mais cela peut aussi être le signe de troubles psychosociaux.

Bruit

  • Le bruit peut nuire à la santé: les concerts et les discos, comme parfois les baladeurs ou

le travail, exposent les jeunes à des niveaux sonores trop élevés qui peuvent endommager l’audition. Chez les 16-20 ans, 34% ont déjà subi un traumatisme acoustique, et 4% d’entre eux disent souffrir d’un acouphène (sifflement) persistant.

Atteinte physique

  • 10% des jeunes en formation (16-20 ans) souffrent d’un handicap physique (lésion qui atteint l’intégrité du corps et limite son fonctionnement) ou d’une maladie chronique (qui dure au moins 6 mois et qui peut nécessiter des soins réguliers).

Entre 20% et 45% d’entre eux ne peuvent pas participer au même type et/ou à la même quantité d’activités que leurs pairs.

Il faut s’assurer qu’ils trouvent leur place dans la société.

Alimentation

  • En grandissant, les jeunes sautent de plus en plus de repas, en particulier le petit déjeuner et le souper. Puis après la scolarité obligatoire les pauses raccourcissent et les trajets jusqu’à l’école ou au travail s’allongent. Ainsi il arrive souvent qu’à midi les jeunes ne se contentent que d’un snack.
  • Déjà entre 11 et 16 ans, beaucoup de jeunes ont une alimentation peu équilibrée. Seule une minorité mange tous les jours des légumes (38% des filles et 30% des garçons) ou des fruits (40% des filles et 30% des garçons). En revanche, ils sont autant à consommer chaque jour du chocolat (27% des filles et 28% des garçons) et des limonades (26% des filles et 37% des garçons).

Suite à une alimentation peu équilibrée et à un manque d’activité physique, une part croissante de jeunes souffrent de surcharge pondérale.

Activités physiques

  • A partir de 16 ans, les jeunes abandonnent le sport en premier lieu par manque de temps (60% des filles et 47% des garçons), parce qu’ils préfèrent d’autres activités (37% des filles et 43% des garçons), qu’ils ont la flemme (27% des filles et 29% des garçons), qu’ils ont un travail physiquement dur (11% des filles et 29% des garçons) ou encore qu’ils n’aiment pas le sport (26% des filles et 22% des garçons).

Tabac

  • La situation est plutôt inquiétante, car les jeunes fument plus et plus tôt qu’il y a dix ans. Or, plus un poumon est jeune, plus il est sensible aux méfaits du tabac. En outre, plus un jeune commence tôt à fumer, plus il a de risques de rester fumeur et c’est justement à l’adolescence que la plupart du temps débute l’usage du tabac: le pourcentage de fumeurs quotidiens est de 4% chez les filles et de 6% chez les garçons de 13-14 ans, respectivement de 19% et 18% à 15 ans, et enfin de 30% et 40% à 20 ans (les élèves fumant nettement moins que les apprentis).

Alcool

  • La consommation d’alcool a nettement augmenté en 10 ans, surtout chez les filles : en 1993, 28% des filles de 16 à 20 ans buvaient de l’alcool une ou plusieurs fois par semaine contre 42% en 2002 (garçons: de 56% à 67%). L’apparition sur le marché de boissons alcoolisées sucrées, au goût agréable, a joué un rôle important, notamment chez les jeunes adolescentes. De plus, les taux d’ivresse ont nettement augmenté et touchent aussi les plus jeunes.

Attention aux accidents: le taux de jeunes (16-20 ans) qui conduisent souvent un véhicule en état d’ivresse est passé de 16% en 1993 chez les garçons à 28% en 2002 et de 3% en 1993 chez les filles à 8% en 2002.

Cannabis/drogues

  • Près de la moitié des adolescents ont déjà consommé du cannabis à 15 ans (un des taux les plus élevés d’Europe). Toutefois, la majorité des consommations restent récréatives. Il faut par contre s’inquiéter de l’augmentation considérable de la consommation régulière, qui a des répercussions négatives sur la santé.

Les jeunes de 16-20 ans qui déclarent consommer beaucoup d’alcool et de cannabis montrent en même temps un grand besoin de sensations fortes. Il est bien probable qu’ils cherchent à satisfaire ce besoin en consommant de l’alcool ou du cannabis. Ils prennent aussi beaucoup plus d’autres drogues (p.ex. ecstasy). Un bon tiers d’entre eux disent avoir besoin d’aide concernant leur consommation de drogues.

Mais pour beaucoup, l’alcool et les drogues ne sont pas les seuls problèmes: la moitié des garçons concernés ont été plusieurs fois impliqués dans des actes de délinquance pendant l’année précédente. Et parmi les filles concernées, 18% sont dépressives et presque la moitié d’entre elles ont eu des idées suicidaires concrètes durant les douze derniers mois.

La plupart des jeunes déclarent avoir confiance en eux-mêmes et en l’avenir… mais beaucoup auraient besoin d’aide pour des problèmes de stress et de tristesse.

  • Parmi les jeunes de 11 à 16 ans, 90% affirment se sentir généralement heureux. Pour ce qui est de la confiance en soi, les réponses sont positives chez 70% des filles et 85% des garçons. Chez les 16-20 ans plus de 90% pensent qu’ils vont réussir leur formation et trouver par la suite un travail.

Chez les 16-20 ans, près de la moitié des filles (48%) souhaitent de l’aide pour résoudre des problèmes de stress et de nervosité (28% des garçons). Concernant la tristesse et la déprime 34% des filles et 19% des garçons déclarent avoir besoin de soutien. Sur la base des réponses fournies à une série de questions, près d’une fille sur 10 et d’un garçon sur 20 peuvent être considérés comme dépressifs au moment du sondage. Ces chiffres semblent être restés stables au fil des ans.

Trop de tentatives de suicide passent inaperçues

  • Il est courant de songer au suicide durant l’adolescence: chez les 16-20 ans, 21% des filles et 15% des garçons ont eu de telles idées durant l’année qui a précédé le sondage.

Cela devient alarmant quand l’intéressé(e) a déjà échafaudé des plans concrets. Dans ce cas, une aide s’impose. Chez les 11-16 ans, 3% des filles et 2% des garçons ont déjà essayé d’attenter à leurs jours. Chez les 16-20 ans, c’est le cas de 10% des apprenties, de 4% des filles élèves, de 5% des apprentis et de 2% des garçons élèves. Parmi ces jeunes, seule une minorité a eu quelqu’un à qui parler de sa tentative de suicide.

Parmi les 16-20 ans qui affirment avoir essayé de mettre fin à leurs jours, 40% disent avoir fait plus d’une tentative. Il faut y voir un signe que l’encadrement des jeunes n’est pas suffisant après une première tentative de suicide.

Violence et actes de délinquance

  • La violence subie peut avoir de lourdes conséquences sur la santé. Elle est particulièrement nocive quand elle est le fait des proches: alors que 10% des 16-20 ans craignent d’être frappés par leurs parents, 12% des 11-16 ans disent l’être effectivement, dont 3% régulièrement. Le caractère tabou du mobbing (harcèlement psychologique) ou de la violence au sein de la famille pose un problème supplémentaire.

Les victimes ont souvent un grand sentiment d’impuissance. Elles auraient besoin d’être soutenues par des adultes.

Tandis que 60% des 16-20 ans déclarent n’avoir commis aucun acte de délinquance au cours des 12 derniers mois, 29% reconnaissent 1 à 2 actes de ce genre et 11% (3% des filles et 19% des garçons) affirment en avoir commis au moins 3 au cours de l’année précédente. Ces jeunes ont aussi plus de problèmes que leurs camarades dans d’autres domaines: ils sont davantage sujets à la dépression et plus souvent victimes de violence, consomment en moyenne plus d’alcool et de drogues, portent un regard plus sombre sur leurs perspectives d’avenir et citent plus de problèmes pour lesquels ils auraient besoin de soutien. Un comportement agressif se manifeste souvent très tôt et les interventions à l’âge préscolaire s’avèrent particulièrement efficaces.

Sexualité

  • L’usage du préservatif baisse avec l’âge. Il est probable que lors d’une relation amoureuse stable, une partie des adolescents l’abandonnent au profit de la pilule contraceptive notamment. Par contre, il faut s’inquiéter du pourcentage d’adolescents qui n’ont utilisé aucun moyen de contraception (près de 2%) ou des moyens douteux comme le retrait ou le «calcul» de la période favorable (plus de 10% chez les 14-16 ans). On peut supposer que, pour les plus jeunes, il est particulièrement difficile de formuler leurs besoins et leurs souhaits notamment en matière de contraception et de protection de maladies sexuellement transmissibles.

Parmi les filles de 16 à 20 ans, 5% des apprenties et 2% des élèves disent s’être trouvées enceintes; 72% d’entre elles ont recouru à une interruption, 19% ont vécu un avortement spontané et 9% ont poursuivi leur grossesse. Ces grossesses semblent dépendre de facteurs sociaux: elles concernent 7% des filles de nationalité étrangère contre 3% de nationalité suisse. Par contre, les taux d’interruption volontaire sont semblables entre les filles de nationalité suisse ou étrangère, ce qui suggère un accès identique aux soins.

La famille reste importante…

  • La grande majorité des 16-20 ans (90%) vivent encore chez leurs parents. La plupart des jeunes estiment avoir une bonne relation avec leurs parents. La famille reste aussi un endroit important pour parler de ses problèmes. Du fait de l’importance de la relation des jeunes avec leurs parents, les conflits familiaux sont particulièrement accablants.

La relation parents-enfants se met rapidement en place et la qualité de cette relation dépend de plusieurs facteurs tels que l’assurance avec laquelle les parents remplissent leur rôle, les charges qui pèsent sur eux, leur intégration sociale, les possibilités de garde lorsque les deux parents travaillent et le soutien sur lequel ils peuvent compter en cas de difficultés. Les facteurs propres à l’enfant (par ex. son tempérament) jouent aussi un rôle.

Les présents résultats ne montrent pas un lien direct entre la relation avec les parents et divers problèmes. Il est toutefois intéressant de relever dans quelle mesure les 16-20 ans qui témoignent d’une meilleure relation avec leurs parents indiquent aussi moins de problèmes de santé.

Perspectives d’étude et d’emploi

  • 90% des 16-20 ans sont sûrs de terminer leur formation et de trouver plus tard un emploi. Toutefois un cinquième des 11-16 ans se sentent stressés par l’école. Une proportion  analogue d’apprentis se sentent perturbés par plusieurs facteurs de stress au travail (4 à 6 facteurs dont la pression du temps et la responsabilité). Dans les deux tranches d’âges, 80% des jeunes estiment qu’ils se sentent bien en classe ou au travail.

Sur la base de ce sondage unique, nous ne pouvons pas conclure qu’il y ait un lien de causalité entre l’ambiance qui règne à l’école et la santé.

Néanmoins, les 16-20 ans qui jugent l’ambiance de leur école en des termes positifs signalent moins de problèmes.

Sur la base d’autres études, nous pouvons présumer qu’une bonne ambiance à l’école a aussi des effets positifs sur la qualité de vie et sur la santé.

Des pistes pour l’avenir

Les résultats HBSC-SMASH 2002 et de nombreuses autres recherches le montrent clairement: la qualité de l’environnement et les relations interpersonnelles (famille, amis) ont une influence déterminante sur l’état de santé des jeunes.

Une relation solide avec les parents joue un rôle central pendant toute l’enfance et l’adolescence.

Pour assumer leur tâche, les parents ont besoin de conditions économiques et sociales favorables. Il s’agit aussi de soutenir toutes les offres qui les confortent dans leur rôle dès la petite enfance (puériculture) mais aussi à l’adolescence (centre Sésame).

L’école est le deuxième cadre de vie important des enfants et des adolescents.

D’où la nécessité d’y soutenir une promotion globale de la santé. Certaines conditions sont particulièrement favorables à la santé (et aux performances scolaires), notamment:

  • Des objectifs clairs et un retour régulier de la part du corps enseignant
  • La participation des jeunes à l’organisation de la vie scolaire
  • Une attitude responsable et respectueuse des élèves envers leurs camarades et un climat dans lequel enfants et adolescents n’ont pas à craindre le mobbing, ni d’autres attaques
  • Des conditions de travail et d’apprentissage qui ménagent la santé

Ce qui a été dit pour l’école vaut aussi pour l’entreprise où les jeunes font leur apprentissage. Les facteurs qui influencent la santé sont les mêmes pour les apprentis et les collaborateurs adultes.

La possibilité de participer à la vie sociale est particulièrement importante durant l’adolescence. Les associations de jeunesse, les clubs sportifs et les centres de loisirs offrent aux jeunes divers contacts et expériences avec des adultes et des camarades de leur âge. En outre, les projets qui permettent non seulement de participer, mais aussi de s’engager pour d’autres et de prendre des responsabilités renforcent chez les jeunes la conviction d’avoir une emprise sur leur propre vie.

De bonnes conditions cadres politiques et juridiques sont requises pour que les jeunes trouvent en famille, ainsi que dans le cadre de leur formation et de leurs loisirs, un environnement favorisant leur santé. Citons à titre d’exemples la politique familiale et la politique de la formation, la loi sur le travail, la planification du trafic et du quartier, ainsi que les réglementations dans le domaine des stupéfiants (publicité, distribution). Il incombe donc aux politiciens d’examiner les répercussions de leurs décisions sur la santé des enfants et des adolescents.

Les jeunes en difficulté ont tendance à accumuler les problèmes: déprime, rapports sexuels non protégés, abus de substances, manque de perspectives d’avenir. Des consultations faciles d’accès, comme les services de santé scolaires, les plates-formes de consultation et d’information Internet ou encore les projets de prévention permettent un conseil et une prise en charge rapide. Le travail des animateurs de rue est aussi un bon moyen de venir en aide aux jeunes marginalisés.

Toute rencontre individuelle avec un jeune en difficulté constitue une opportunité de prévention. Les professionnels de la santé et du secteur socio-éducatif devraient être mieux sensibilisés et formés à cette activité.

Les jeunes ont souvent des idées utiles pour développer des nouvelles interventions. Il est donc capital de les intégrer à toutes les activités de promotion de la santé en tenant compte des différences de perception entre filles et garçons.

Pour les communes d’une certaine importance, la création d’une commission jeunesse pourrait être le point de départ d’une action montrant l’intérêt que nous portons à nos jeunes.


Bibliographie:

Dernières publications: «Politiques sociales pour le XXIe siècle» (2001),
«Dictionnaire suisse de politique sociale» (nouv. éd., 2002), tous deux aux Ed. Réalités sociales (Lausanne).
A lire également sur l’histoire des baby-boomers: «Les baby-boomers: une génération 1945-1969», de Jean-François Sirinelli, Fayard, 2003.
Höpflinger, F., Hugentobler V., Soins familiaux, ambulatoires et stationnaires de personnes âgées en Suisse – Observations
et perspectives; Parution : fin 2005 aux Editions Médecine & Hygiène ; Actuellement disponible uniquement en allemand aux Editions Hans Huber
Rapport 2005 du Département de la santé, des affaires sociales et de l’énergie
Service de la santé publique du canton du Valais
Office fédérale de la statistique  Espace de l’Europe 10 2010 Neuchâtel / Suisse
Extraits de l’exposé des motifs et projet de loi modifiant la Loi scolaire du 12 juin 1984