Cette fois ça y est la Suisse a choisi son nouvel avion de combat, le F35 Lightning américain. De l’avis de la plupart des spécialistes suisses, c’est le bon choix. L’avenir nous le confirmera ou non.

Quant au passé, il nous a déjà parlé, car la gestation de cette machine, son développement et finalement sa certification au combat durant l’été 2016 continue d’être mise en doute et de surcroît par les experts américains.

En effet, selon Dan Grazier, ancien officier des Marines et scrutateur attentif du programme pour le compte de l’association POGO (Project On Government Oversight), qui étudie à la loupe les dépenses du gouvernement américain: « Le F-35 pourrait bien ne jamais être prêt pour le combat.

Malgré ce que dit l’USAF, il serait dans son standard actuel incapable d’opérer seul sans appui d’autres avions, son emport en armement reste faible (2 bombes au lieu de 6 pour le Rafale), ses performances mauvaises.

Le 14 janvier 2016, engagé dans un combat aérien rapproché avec un F16 pourtant alourdi de deux réservoirs supplémentaires, il aurait été rapidement neutralisé.

Quant à l’appui des troupes au sol, d’autres spécialistes américains mettent au défi l’USAF d’organiser un affrontement avec l’A10, encore aujourd’hui d’une redoutable efficacité, tant en puissance de feu, qu’en résistance aux dommages et pourtant né 30 ans plus tôt.

Malgré cela, nul doute que le F35 demeure un bijou de technologie à la pointe du progrès.

Cependant, c’est peut-être aussi ce qui fait son point faible.

Son moteur par exemple, le F135  de Pratt &Witney est l’un des turboréacteurs militaires les plus puissants de l’histoire, mais le choix d’un mono réacteur le rend vulnérable en cas de défaillance et le rapport poids/puissance (27 tonnes en charge) limite sa manœuvrabilité en combat air-air. Sa consommation excessive réduit son endurance et exige de fréquents ravitaillements en vol.

Sa soute interne permettant de garantir la furtivité de l’avion est trop petite et ne permet l’emport que de deux bombes de 250 kg et deux missiles air-air à guidage infrarouge.

Dans le même registre, l’orifice du canon est masqué par une trappe toujours dans le but de garantir la furtivité de l’avion. Or, l’ouverture de cette trappe au moment du tir perturbe l’aérodynamique, provoquant des mouvements parasites dégradant la précision du tir.

La furtivité souhaitée du F35 a conduit les ingénieurs à optimiser l’architecture de l’avion qui finalement se retrouve à être le résultat d’une série de compromis au détriment de la manœuvrabilité et de l’emport.  A terme, cette furtivité pourrait être rapidement dépassée par les progrès en matière de détection radar.

Entièrement à commandes numériques le pilote n’a plus de liens mécaniques avec les gouvernes. Le domaine de vol est entièrement géré par les ordinateurs de bord. Dès lors, aux grandes incidences, certaines lois de pilotage sont mal maîtrisées rendant les gouvernes molles ou avec un effet retardé, allant même à contrecarrer l’action du pilote.

Doté des capteurs de dernière génération, la gestion et la maintenance des systèmes sont les meilleures qui soient. Le revers, c’est que la complexité des logiciels ralentit le développement de l’appareil, renchérit son coût et augmente sa vulnérabilité aux bugs.

Le F35 est donc d’une complexité redoutable, mais force est de constater que l’on a voulu en faire un avion tous usages, à la fois furtif et supersonique. « C’est la synthèse de trop nombreuses exigences contradictoires », assène Pierre Sprey, le concepteur à l’origine du A-10.

Alors, Lockheed Martin, première entreprise d’armement du monde aurait-elle été trop ambitieuse en engageant ce programme qui au final semble être trop sophistiqué, accumulant des retards de mise au point et pour finalement obtenir des performances insuffisantes ?

Tout avion de nouvelle génération voit le jour avec un certain nombre de problèmes techniques à résoudre. Nul doute que les concepteurs du F35 parviendront à faire face aux quelques 800 failles repérées, mais à quels coûts ? Par ailleurs, Il y a fort à parié qu’un grand nombre de ces coûts seront partagés par les acheteurs de l’avion.

1500 milliards de dollars pour la production et le développement de quelques 2500 avions et leur emploi sur les cinquante ans à venir, c’est ce qu’aura coûté au final ce programme.

La seule adaptation des appareils déjà produits et acquis par l’USAF est estimée à 1,7 milliards de dollars, de quoi donner des sueurs froides à la Cour des comptes du plus grand constructeur d’avions au monde.

Pour la Suisse, le choix politique de ce qui devrait être le chasseur ultime, il s’agit désormais d‘une affaire à suivre.

Denys Jaquet
Juillet 2021