Revue Militaire Suisse 1983
par le premier-lieutenant Denys Jaquet

Vandenberg (USA). Une fusée Titan IIID quitte sa rampe de lancement et s’élève dans le ciel. Fer de lance de l’USAF, elle emporte dans son ventre le satellite militaire SAMOS 98 (Satellite for Missile Observation), un engin de près de 111 plus connu sous le nom de «Big Bird». Dans quelques minutes, cet énorme cylindre, équipé lui même d’un moteur-fusée lui permettant de compenser la perte d’altitude due au freinage atmosphérique, sera injecté sur son orbite et tournera autour de la Terre à 130 km d’altitude.
Dès cet instant, ses puissantes caméras munies d’objectifs à très long foyer, véritables télescopes de 1,80 m de diamètre, entreront en action et filmeront le sol de la planète, enregistrant sur des cassettes les détails les plus infimes qu’autorisent les lois de la physique, soit environ 30 cm. Ces cassettes (6-8 par satellite) seront éjectées toutes les deux semaines à peu près, au-dessus de l’Alaska pour terminer leur course au large des îles Hawaii, où un avion-cargo Hercules C-130 les saisira en vol par les suspentes de leur parachute, au moyen d’un filin recourbé. Le satellite demeurera ainsi pendant quelques mois un espion de la Terre.

Depuis lors, beaucoup de SAMOS se sont succédé et, aujourd’hui, en 1983, les maîtres de l’espace, sinon du monde, s’affrontent à quelques centaines de kilomètres au-dessus de nos têtes, dans le plus immense champ de bataille que l’homme ait jamais connu.
Ils offrent la possibilité de diriger les opérations militaires les plus compliquées…


Pour bien situer les problèmes, il faut avant tout mesurer l’importance et l’enjeu de ce nouveau combat. Sur les 2000 satellites lancés depuis le début de la conquête spatiale, près des deux tiers sont des satellites militaires. Satellites d’espionnage photographique, de télécommunications, de surveillance et d’alerte, d’écoute électronique, météorologiques, de surveillance océanique. Les militaires ont compris, bien avant les civils, tout l’intérêt de cette nouvelle et extraordinaire aventure.
Un exemple: lors de la crise de Cuba, c’est un satellite de reconnaissance américain qui a détecté les installations de missiles soviétiques et, sans celui-ci, l’URSS aurait sans doute pris un avantage stratégique décisif.
Autre exemple, peut-être plus évident. Grâce aux satellites, il est impossible aujourd’hui, où que ce soit dans le monde, de lancer une fusée en cachette. Cette situation met en évidence l’apport considérable de ces engins en cas de conflit nucléaire par ICBM. La sensibilité de leurs capteurs infrarouges est telle qu’ils sont capables de détecter le moindre feu de broussailles. Ce sont les IMEW (Improved Missile Early Warning), installés en orbite géosynchrone à 36 000 km d’altitude. Ils sont munis de caméras vidéo dont l’objectif est un miroir de 91 cm de diamètre et dont la rétine est tapissée de 2000 cellules au sulfure de plomb.

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